Coronavirus : des mesures d’urgence pour soutenir l’économie et les entreprises
Pour faire face au coronavirus, une loi d’urgence pour faire face au Covid-19 a été publiée officiellement le 24-3-2020. Présentation de ses principales mesures sociales, fiscales, économiques, et financières.
La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (loi 2020-290 du 23-3-2020, JO du 24-3) instaure un dispositif d’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour une durée de 2 mois à compter du 24-3-2020 (art. 4 et 22), organise le report du second tour des élections municipales et détaille les mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie qui concernent tout particulièrement les entreprises et les professionnels.
Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de 3 mois à compter du 24-3-2020, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire à compter du 12-3-2020, toute mesure visant à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19, et notamment des mesures pour prévenir et limiter la cessation d’activité des entreprises (sociétés ou entreprises individuelles) exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi.
À noter. Un projet de loi de ratification devrait être déposé devant le Parlement dans un délai de 2 mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Mesures sociales
En droit du travail et de la Sécurité sociale, voici quelles sont les mesures que le gouvernement peut prendre par ordonnance :
- limiter les ruptures des contrats de travail et atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’acti-vité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille , notamment en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en oeuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel ;
- adapter les conditions et les modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire versée par l’employeur en cas d’arrêt de travail (notamment pour une mise en quarantaine ou la garde d’enfants de moins de 16 ans dont l’établissement d’accueil ou scolaire est fermé) ; rappelons que tout salarié ayant 1 an d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie, sous conditions, en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident constaté par un certificat médical d’une indemnité complémentaire à l’indemnité journalière servie par la Sécurité sociale (IJSS) (C. trav. art. L 1226-1) ;
- permettre à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de 6 jours ouvrables ; l’employeur pourra déroger aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés prévus par le Code du travail (congés payés, congés pour évènements familiaux, congé de solidarité familiale, etc.) et les conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise ;
- permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail (jours de RTT), des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié (CET) ; là encore, l’employeur pourra déroger aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation prévus par le Code du travail et les conventions et accords collectifs applicables ;
- permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ; ainsi, ces entreprises pourront déroger aux dispositions sur la durée du travail pour faire face à des accroissements exceptionnels d’activité ;
- modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes dues au titre de l’intéressement et de la participation (C. trav. art. L 3314-9 et L 3324-12) ; en effet, les sommes dues au titre de l’intéressement et de la participation qui sont versées au-delà du dernier jour du 5e mois suivant la clôture de l’exercice produisent un intérêt de retard ;
- modifier la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat , dite « prime Macron » de 1 000 € ; celle-ci doit, en prin-cipe, être versée en 2020 au plus tard le 30-6-2020 ;
- modifier les modalités d’information et de consul-tation des instances représentatives du personnel , notamment du CSE, pour lui permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis et de suspendre les processus électoraux des CSE en cours ; le Gouvernement pourra notamment permettre l’utilisation de moyens dématérialisés, comme la visio-conférence, pour les consultations du CSE ;
- aménager les modalités de l’exercice des missions des services de santé au travail (SST), notamment du suivi de l’état de santé des salariés et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les salariés qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier de ce suivi ; il s’agit là de différer les visites périodiques médicales et autres examens effectués par les SST afin de sécuriser les employeurs qui ne pourront pas respecter leur obligation légale des visites médicales ;
- aménager les dispositions de la formation professionnelle et de l’apprentissage , notamment pour permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de remplir leurs obligations légales (qualité et enregistrement des certifications et habilitations) et d’adapter les conditions des rémunérations et de versement des cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle ; le gouvernement pourra aménager les conditions de versement des contributions à la formation professionnelle et à l’alternance selon les mêmes modalités que celles prévues pour faire face aux échéances fiscales et sociales ;
- adapter l’organisation de l’élection professionnelle visant à mesurer l’audience des syndicats auprès des salariés dans les TPE employant moins de 11 salariés (qui doit se dérouler en novembre et décembre 2020) en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral et, en conséquence, en prolongeant, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) (C. trav. art. L 2122-10-1).
Mesures fiscales
Pour faire face aux difficultés rencontrées par votre entreprise en raison du Coronavirus, des mesures exceptionnelles ont été prises, notamment fiscales.
Un report des prochaines échéances d’impôts directs. Les entreprises (ou les experts-comptables qui interviennent pour des clients), peuvent demander au service des impôts des entreprises le report sans pénalité du règlement de leurs prochaines échéances d’impôts directs (acompte d’IS, taxe sur les salaires, CFE, CVAE).
Une remise d’impôts directs ? En revanche, les demandes de remises d’impôts directs doivent être justifiées, celles-ci ne pouvant être accordées qu’en cas de difficultés caractérisées qu’un report de paiement ne suffit pas à surmonter.
Un remboursement anticipé des créances d’IS et crédits de TVA . Les entreprises rencontrant des difficultés financières du fait du Coronavirus (Covid-19) peuvent demander un remboursement anticipé de leurs créances d’impôt sur les sociétés restituables en 2020 et de leurs crédits de TVA. Il s’agit notamment du crédit d’impôt recherche (pour la part dont le remboursement arrive à échéance cette année), du crédit d’impôt en faveur des entreprises de spectacles vivants musicaux ou de variétés ou encore du crédit d’impôt pour dépenses de production d’oeuvres audiovisuelles. Cette demande doit être faite au moyen du formulaire n° 2573- SD. Les entreprises doivent également transmettre la déclaration permettant de justifier du crédit d’impôt (sauf si celle-ci a déjà été déposée antérieurement) ainsi qu’à défaut de déclaration de résultat le relevé de solde de l’impôt sur les sociétés (formulaire n° 2572-SD).
Report des déclarations fiscales. La DGFiP a annoncé que l’envoi de la liasse fiscale annuelle et la déclaration de revenus pouvaient être repoussés respectivement au 31 mai et au 15 juin.
Octroi de plans de règlement échelonné. Outre les mesures de soutien en matière fiscale mises en place pour aider les entreprises mises en difficulté par le Coronavirus, le gouvernement rappelle le rôle des commissions des chefs de services financiers dans l’octroi de plans de règlement échelonné. En effet, cette commission peut accorder aux entreprises rencontrant des difficultés financières des délais de paiement pour s’acquitter de leurs dettes fiscales. Peuvent saisir cette commission les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante ainsi que les personnes morales de droit privé (sociétés, associations) ou leur mandataire ad hoc. Les dettes susceptibles de faire l’objet d’un plan de règlement échelonné sont les impôts et taxes de toute nature, à l’exclusion du prélèvement à la source. La saisine de la commission est recevable, sous réserve que les conditions suivantes soient respectées : l’entreprise est à jour du dépôt de ses déclarations fiscales et sociales et du paiement des cotisations et contributions salariales ainsi que du prélèvement à la source ; l’entreprise n’a pas été condamnée pour travail dissimulé. Un dossier simplifié, disponible sur le site impots.gouv.fr, est prévu pour les très petites entreprises.
Une modulation ou un report des acomptes de PAS. Il faut également rappeler que les travailleurs indépendants peuvent moduler à tout moment le taux et les acomptes de prélèvement à la source (PAS). Il est aussi possible de reporter le paiement des acomptes de prélèvement à la source sur les revenus professionnels d’un mois sur l’autre jusqu’à trois fois si les acomptes sont mensuels, ou d’un trimestre sur l’autre si les acomptes sont trimestriels. Toutes ces démarches sont accessibles via l’espace particulier sur impots.gouv.fr, rubrique « Gérer mon prélèvement à la source » : toute intervention avant le 22 du mois sera prise en compte pour le mois suivant.
Une suspension des contrats de mensualisation. Les contrats de mensualisation pour le paiement du CFE ou de la taxe foncière peuvent être suspendus sur impots. gouv.fr ou en contactant le Centre prélèvement service : le montant restant sera prélevé au solde, sans pénalité.
Mesures en droit des affaires
Les dispositions existantes en droit des affaires seront également adaptées dans le cadre des ordonnances prises par le Gouvernement afin de permettre aux entreprises de pouvoir continuer à tenir leurs assemblées générales, établir leurs comptes, bénéficier de délais de paiement et surtout éviter une faillite.
Paiement des factures (loyer, eau, gaz, électricité). La loi prévoit la possibilité pour le Gouvernement de prendre des mesures en faveur des très petites entreprises ( ≤ 10 salariés) éligibles au fonds de solidarité financé par l'État et les régions (voir encadré ci-contre) locataires de locaux professionnels ou commerciaux et dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie. Ces dernières pourront bénéficier du report intégral ou de l’étalement du paiement de leurs factures de loyers, d’eau, de gaz et d’électricité. Des mesures seront également prises afin que les bailleurs et les fournisseurs de ces prestations renoncent, en cas de non-paiement de ces factures, à appliquer des pénalités financières et à suspendre, interrompre ou réduire leur fourniture de services.
Les petites entreprises qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire pourront également bénéficier de ces dispositions.
Assemblées générales. Compte tenu des restrictions de déplacements et de rassemblements, des mesures visant à simplifier et à adapter les conditions de réunion (modalités de convocation et d’information des associés) et de délibération des assemblées et des organes dirigeants des sociétés (conseils d’administration, de surveillance et de direction) sont prévues par la loi, ainsi que pour les règles relatives à la tenue des assemblées générales (vote, recours à des moyens dématérialisés tels que la visioconférence, notamment). Sont également concernés par cette mesure les groupements d’intérêt économique, les coopératives, les associations et les fondations.
Obligations comptables. S’agissant des règles d’établissement, d’arrêté, d’audit, de revue, d’approbation et de publication des comptes, elles seront assouplies, au niveau des délais légaux notamment. Les règles concernant l’affectation des bénéfices et le paiement des dividendes seront également adaptées.
Marchés publics. Afin de limiter l’effondrement de la commande publique, les ordonnances prises par le Gouvernement pourront adapter les règles prévues en la matière (passation des marchés publics, moda-lités d’exécution ou de résiliation, délais de paiement, pénalités contractuelles) et neutraliser, pour les contrats en cours, l’application des pénalités contractuelles.
Procédures collectives. Le droit des procédures collectives sera modifié afin de faciliter le traitement préventif des entreprises en difficulté (mandat ad hoc, conciliation, procédure de sauvegarde, notamment)
Clients/Fournisseurs. La loi prévoit également la possibilité de modifier les obligations des entreprises à l’égard de leurs clients et fournisseurs (délais de paiement et pénalités, notamment), en particulier pour les contrats de vente de voyages et de séjours ayant pris effet à compter du 1er mars 2020. Il en est de même pour les obligations des coopératives à l’égard de leurs associés-coopérateurs.
Loi 2020-290 du 23-3-2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, JO du 24-3.
Des prêts garantis par l’État pour soutenir la trésorerie des entreprises
La garantie exceptionnelle de l’État est accordée au titre des prêts consentis du 16 mars 2020 au 31 décembre 2020 inclus à des entreprises non financières immatriculées en France, par les établissements de crédit et sociétés de financement. Un arrêté fixe le cahier des charges des prêts éligibles à cette garantie de l’État. Si le prêt remplit ce cahier des charges, la garantie de l’État est accordée sur simple notification par l’établissement prêteur à Bpifrance Financement SA, sauf dans le cas de prêts consentis à une grande entreprise.
Entreprises concernées
Sont éligibles les prêts bancaires consentis aux entreprises personnes morales ou physiques (sociétés, artisans, commerçants, exploitants agricoles, professions libérales et micro-entrepreneurs), ainsi qu’aux associations et fondations ayant une activité économique sociale et solidaire, quelle que soit leur taille, à l’exclusion :
- des sociétés civiles immobilières ;
- des établissements de crédit ou des sociétés de financement ;
- et des entreprises en difficulté faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel.
Caractéristiques des prêts
Les prêts consentis, sans autre garantie ou sûreté, doivent présenter l’ensemble des caractéristiques suivantes :
- un différé d’amortissement minimal de 12 mois (pas de remboursement exigé la première année) ;
- et une clause donnant à l’emprunteur la faculté, à l’issue de la première année, d’amortir le prêt sur une période additionnelle calculée en nombre d’années, selon son choix et dans la limite d’un nombre maximal de 1, 2, 3, 4, ou 5 ans.
Le taux d’intérêt du prêt garanti est librement fixé par les banques, ces dernières s’étant engagées à délivrer des crédits à prix coûtant.
Bon à savoir. Les concours totaux apportés par l’établissement prêteur à l’entreprise concernée ne doivent pas avoir diminué, lors de l’octroi de la garantie, par rapport au niveau qui était le leur le 16 mars 2020.
Montant maximal pouvant être emprunté par une même entreprise
Une même entreprise peut bénéficier de prêts couverts par la garantie de l’État pour un montant total n’excédant pas un plafond défini comme :
- pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, 25 % du chiffre d’affaires HT 2019 (soit 3 mois de chiffre d’affaires ) constaté ou, le cas échéant, de la dernière année disponible (dernier exercice clos) ; par exception, pour les entreprises « innovantes », si le critère suivant leur est plus favorable, jusqu’à 2 fois la masse salariale France 2019, hors cotisations patronales, constatée ou, le cas échéant, de la dernière année disponible ;
- pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, la masse salariale France estimée sur les 2 premières années d’activité, hors cotisations patronales.
Procédure à suivre pour les petites entreprises
1. L’entreprise se rapproche d’un ou de plusieurs partenaires bancaires pour faire une demande de prêt.
2. Après examen de la situation de l’entreprise (critères d’éligibilité notamment), la banque donne un pré-accord pour un prêt.
3. L’entreprise se connecte sur la plateforme attestation-pge.bpifrance.fr pour obtenir un identifiant unique qu’elle communique à sa banque.
4. Sur confirmation du numéro unique par Bpifrance, la banque accorde le prêt.
Transport routier de marchandises
C’est le cas dans le secteur du transport routier de marchandises, un arrêté du 20-3-2020 (JO du 21-03) permet, depuis le 22-3-2020, aux employeurs des transports routiers de déroger temporairement au temps de conduite des chauffeurs. Pour faciliter les approvisionnements sur le territoire, la durée de conduite des conducteurs est exceptionnellement portée à 10 heures par jour, et même 11 heures par jour deux fois par semaine, et à 60 heures par semaine ou 102 heures par semaine sur deux semaines consécutives. Cette dérogation est accordée pour 30 jours à condition de respecter les temps de travail et de repos légaux et règlementaires.
Fonds de solidarité : une aide de 1 500 € pour les entreprises.
Le fonds de solidarité est dédié aux plus petites entreprises qui font moins d’1 M€ de chiffre d’affaires et un bénéfice imposable inférieur à 60 000 €. Toutes les petites entreprises ou les indépendants qui subissent une fermeture administrative ou qui auront connu une perte de chiffre d’affaires de plus de 70 %, en mars 2020 par rapport à mars 2019, bénéficient d’une aide rapide et automatique d'un montant maximal de 1 500 € sur simple déclaration. Pour les situations les plus difficiles, un soutien complémentaire pourra être octroyé pour éviter la faillite au cas par cas. Les TPE peuvent bénéficier de cette aide depuis le 1-4-2020 en faisant une simple déclaration sur le site impots.gouv.fr / espace entreprises. L'aide versée aux entreprises ne sera pas imposable.
Sources : Loi 2020-289 de finances rectificative pour 2020 du 23-3-2020, art. 6 et arrêté ECOT2008090A du 23-3-2020, JO du 24-3
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